
Voici l’article le plus long de ce site. À histoire exceptionnelle nourrie par des archives inédites, format d’exception.
Quelles ont été les années de jeunesse et de formation de Bernard de Fallois ? et quel était ce jeune agrégé si bien élevé qui établissait l’édition de Jean Santeuil, du Contre Sainte-Beuve, auquel André Maurois puis Suzy Mante-Proust avaient accordé toute leur confiance ? Discret jusqu’au secret, Fallois était un homme de réseaux aux masques multiples, dont certains sont sinistres comme le visage du fascisme et du négationnisme.
Et ce au moment même où il devenait ce « proustien capital » qui allait modifier pour toujours l’image de l’écrivain et lui permettre d’accéder aux plus hautes fonctions éditoriales (d’abord chez Hachette puis aux Presse de la Cité). Peu photographiée, peu documentée, voici l’histoire d’un être profondément double et dérangeant, dont j’ai reconstitué les quarante premières années.
- I. Fallois avant Fallois
- II. Un adolescent sous l’Occupation
- III. Le duo Bardèche & Fallois
- La réalité des camps de la mort
- Réinventer le fascisme
- 1948, Les Sept couleurs
- Ne pas rendre les armes
- Un triptyque négationniste
- Un livre difficile car bourré de mensonges
- La France fasciste a perdu la partie
- La boussole du négationnisme à venir
- Histoire de l’édition de Nuremberg ou la terre promise
- Descente de police chez Fallois
- Aider par amitié
- IV. Il était deux Fallois dans l’ouest parisien
« Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je demanderai à Bernard de Fallois de mettre, après nous, de l’ordre dans notre correspondance, d’en faire un choix et de s’entendre avec l’éventuel éditeur. Je donnerai des instructions dans ce sens à la bibliothèque de lausanne. Fallois a bien travaillé sur les inédits de Proust, il est sérieux, dans nos idées, nous ne trouverons pas mieux. »
Paul Morand, lettre à Jacques Chardonne, 24 mai 1962
I. Fallois avant Fallois
Prologue
La plupart des proustiens connaissent Bernard de Fallois (1926−2018) comme le brillant éditeur de Jean Santeuil (1952) et du Contre Saint-Beuve (1954), un peu moins comme le plus intelligent vulgarisateur de la Recherche, qu’il publie au Livre de Poche1 ou chez France Loisirs, faisant précéder chaque tome de l’édition club d’une préface (alors anonyme) lumineuse.
Au-delà de l’intérêt génétique et littéraire, Jean Santeuil et Contre Sainte-Beuve détruisaient le mythe (entretenu notamment par la confusion entre le Narrateur de la Recherche et la vie de Proust, mais aussi par ses chroniques consacrées aux Salons) d’un Proust velléitaire et procrastinateur, perdant son temps en vaines mondanités. On comprenait alors que Proust n’avait jamais cessé de travailler et qu’il avait longtemps cherché sa voix romanesque, se tuant — littéralement — à la tâche. La Recherche ne venait pas d’une inspiration fulgurante mais d’une lente sédimentation où l’écrivain ressemble davantage à un personnage cheminant à tâtons dans un brouillard de fumigations qu’à la figure triomphante de l’auteur visité par les muses…
Joël Dicker, chantre inlassable de l’éditeur Bernard de Fallois dans ses dernières années d’activité, a grandement contribué à le faire connaître à un plus vaste public.
Dans les hommages de ses amis ou de tous ceux qui ont travaillé avec lui2, Bernard de Fallois est présenté comme un homme discret et mystérieux, deux adjectifs qui reviennent à l’envi . Et il est vrai que l’homme, surnommé « le patriarche le plus secret de l’édition » était peu enclin à parler de lui, même s’il aimait évoquer son métier, les écrivains qu’il publiait, et ses quelques passions : le cinéma, le cirque ou la tauromachie. Mais plus encore en ce qui le concerne, le mot ou l’adjectif « secret » s’impose avec force et évidence tant il en avait développé la culture.
En se penchant sur la jeunesse de Bernard de Fallois et sur sa participation à une des entreprises intellectuelles parmi les plus sordides de la seconde moitié du vingtième siècle, qui plus est concomitante à ses travaux proustiens, on comprend que cet ambitieux avait bien des raisons de rester discret.
Théodore, premier Camelot du Roi
Le 1er mars 1915, Proust se fait remettre par Céleste L’Action française du jour, dans lequel il a pu lire, en bas à droite de la Une, un article de Maurice Pujo, « L’Action française au champ d’honneur », dont je tire cet extrait :
« Théodore de Fallois, sous-lieutenant au … d’infanterie3, est tombé au champ d’honneur le 3 février, frappé d’une balle au front, au moment où il sortait de sa tranchée, pour conduire ses hommes à l’assaut. Il repose dans les bois d’Argonne, où, revenu au feu après une première blessure, reçue en septembre à la bataille de la Marne, il s’était battu depuis plusieurs mois avec toute l’ardeur de son sang généreux. Parmi tant de pertes cruelles et glorieuses qui, à des titres divers, éprouvent l’Action française, c’est au cœur que celle-ci nous atteint. C’est pour nous un deuil de famille, de cette grande famille d’A.F., dont Théodore de Fallois était le Benjamin, privilégié par l’affection de tous.
Sa jeune et charmante figure est mêlée à tous les souvenirs de notre action. Travailleur et intelligent, appliqué à ses études de droit et de sciences politiques, son patriotisme ardent n’hésitant pas à compromettre la carrière brillante à laquelle il pouvait prétendre en participant à nos luttes. À dix-huit ans, dans l’hiver 1908, il est des premiers inscrits aux Camelots du Roi. On le voit au premier rang dans nos manifestations contre l’insulteur de Jeanne d’Arc4. Il est avec nous chaque mercredi, dans ces inoubliables soirées, au poste du Panthéon. Nous le retrouvons parmi les prisonniers du quartier politique de la Santé, s’entretenant avec ses camarades, étudiants d’A.F. et Camelots du Roi, des nouveaux sacrifices qu’exigera d’eux la renaissance de la Patrie. »
Un royaliste acharné
Quelques jours avant l’article de Pujo, Proust n’avait pas pu passer à côté de l’éditorial de Léon Daudet, « Les tués et les vivants5 », où il était déjà question de la mort de ce militant d’A.F. historique : participation à l’agression d’Amédée Thalamas6 en Sorbonne, prison, mort tragique au front dans sa 26e année… les Camelots du Roi tiennent un de leurs premiers héros.
Théodore de Fallois (1889−1915), « royaliste acharné7 », ami de Jean de Lattre de Tassigny, était l’oncle de Bernard de Fallois. Le propre père de Bernard de Fallois, Robert de Fallois (1880−1966), militant d’A.F. également, participe à la Grande Guerre ; maréchal des logis fourrier (à l’intendance) en 1914, il accède au grade de maréchal des logis chef en avril 1917. Son dossier militaire indique qu’il exerce la profession de chef de service des stocks, sans préciser son employeur (la mention « employé d’industrie » est biffée juste en-dessous8).
Un mariage en première page
Démobilisé le 8 mars 1919, Robert de Fallois ne perd pas de temps ; il se marie avec l’Argentine Marie-Esther Molina (née à Buenos Aires en 1892) le 31 mars de la même année. Tout naturellement, L’Action française annonce cette union en première page. De ce mariage naît un premier fils, Théodore (nommé ainsi en mémoire de son oncle tué au front), en 1922.
À la différence de son frère aîné, Bernard Marie Michel Édouard de Fallois, né le 9 mai 1926, a droit à toute la pompe de L’Action française en page 5.

NAISSANCE
Nous avons le plaisir d’apprendre la naissance de Bernard de Fallois, second fils de M. et Mme Robert de Fallois et petit-fils de la comtesse Armand de Fallois, l’admirable mère de notre ami regretté Théodore de Fallois, mort au champ d’honneur.
Toutes nos félicitations9.
Dès sa naissance, Bernard de Fallois est immédiatement relié au monde proustien du côté de sa mère : son cousin germain, fils de sa tante argentine Maria Molina, l’écrivain et ingénieur franco-argentin Max Daireaux10, est un ami de Proust depuis 1908 et leur rencontre à Cabourg. Ce qui en fait, selon certains, un modèle d’un des membres de la « petite bande de Balbec » dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Les Daireaux, les Dancognée (coté maternel de Philippe et Robert Soupault), les Pouquet et les Proust se fréquentent et se croisent à la fin du XIXe siècle. Robert Soupault croit même reconnaître sa mère et sa tante sur la photo légendaire du tennis du Boulevard Bineau, lequel appartient aux Daireaux11.


Fallois, à toujours !
Carnet noir, carnet blanc, carnet rose : le roman familial des Fallois feuilletonne dans L’Action française, sous la plume de Pujo, de Daudet et, honneur suprême le 8 janvier 1940, de Maurras :
« Voilà plusieurs jours que M. Pujo a reçu cette lettre :
Je ne veux pas que commence cette nouvelle année sans venir vous assurer de ma fidèle amitié qui forme des vœux pour vous et les autres. Puisse-t-elle nous apporter la défaite de la barbarie, et surtout une paix dans la ligne de celle que vous combattez. Pour la propagande de notre vieille A.F., je vous envoie ma bien modeste obole, en souvenir de Théo.
Théo… on sait combien nous sommes avares de noms propres ici. Mais Théo, c’est le charmant Théodore de Fallois, un des grands militants de l’ACTION FRANÇAISE d’avant 1914, un des beaux sacrifiés de la dernière guerre… Son frère Robert évoque un souvenir qui ne s’est jamais effacé de notre pensée — et leur souvenir à eux deux n’est point séparable de celui de leur admirable mère qui vient de nous quitter elle aussi !
Les Fallois font partie du mémorial de la plus vieille ACTION FRANÇAISE. Comment omettre de le dire en accusant réception de ce signe de leur chère fidélité ? Nous répondons : Merci. Je ne leur dis pas à bientôt mais, comme il convient, à toujours ! »
II. Un adolescent sous l’Occupation
Euphémisation
Des années plus tard, dans un de ses rares entretiens écrits, Bernard de Fallois, utilisant un doux euphémisme, dira de son père « qu’il était plutôt Action française12 », comme si son engagement constant, absolu, pouvait soulever le moindre doute ou susciter la moindre réserve13. L’éducation de Bernard de Fallois a pu ressembler à celle d’un jeune homme soumis au dogme maurrassien permanent du « nationalisme intégral » et de la haine des quatre états confédérés : les juifs, les métèques, les francs-maçons et les protestants. En bref, l’Anti-France.
Au moment où Maurras publie son hommage à l’oncle de Bernard et Théodore de Fallois, le 8 janvier 1940, les deux frères ont quitté l’appartement familial de la rue Cortambert dans le XVIe arrondissement et habitent au Mans. Par mesure de précaution après la déclaration de guerre à l’Allemagne, leurs parents les ont dépaysés dans la Sarthe. Bernard, auparavant scolarisé à Franklin, le collège jésuite de Paris (Saint-Louis de Gonzague14), finit ses cours de troisième au collège Montesquieu du Mans15. C’est dans cette classe qu’il fait la connaissance de Michel Sciama, un parisien exilé tout comme lui.
« À 15 ans, j’étais très patriote. J’avais vécu la défaite avec tristesse. »
Bernard de Fallois
Première lecture de la RTP
De retour dans Paris occupé au lycée Janson de Sailly, Bernard de Fallois retrouve son camarade (et aîné d’un an) Michel Sciama (lycéen à Louis-le-Grand), et c’est une rencontre décisive pour l’adolescent des beaux quartiers. Michel Sciama est le fils d’Hélène Lange16, une cousine de Marcel Proust par sa branche maternelle, également parente d’Emmanuel Berl et de Bergson. C’est dans la bibliothèque d’Hélène que Bernard de Fallois découvre la Recherche à l’âge de 15 ans, en 1941, en lisant tout d’abord « Combray », la première partie de Du côté de chez Swann, puis, en 1942 il tombe « comme une drogue dans la lecture de la Recherche d’un bout à l’autre. Tout cela au milieu des événements, des restrictions, des inquiétudes, des travaux scolaires, des amours, de la vie qu’ont les garçons de cet âge17 ». Tout cela (les 15 volumes en cours de lecture) aussi, en cette sinistre année 1942 alors que que Michel Sciama, comme les autres membres de sa famille juive, doit porter l’étoile jaune et bientôt fuir Paris peu après la rafle du Vel d’Hiv18. Arrêté par les Allemands dans un train proche de la frontière espagnole, il est fait prisonnier à Bayonne, à la « Maison Blanche », avant d’être transféré « chez Papon19 » au camp de Mérignac, puis à Drancy dont il réchappe, en février 1944, en fournissant à la Gestapo des certificats de baptême et parce qu’il n’est pas circoncis.
Gilles Haarbleicher (1926−1944)
En consultant les prix d’excellence des classes de seconde et de première de Fallois à Janson de Sailly, un nom retient particulièrement mon attention : Haarbleicher, un brillant camarade de classe. Haarbleicher, Gilles de son prénom, est le fils d’André Haarbleicher, condisciple de Proust à Condorcet, dont le nom est apparu dans le seul exemplaire connu de la revue Le Lundi20. Ingénieur général de la marine, André reçoit la plaque de la Légion d’honneur des mains de l’amiral Darlan en 1939. En 1940, alors que Gilles est en seconde avec Fallois, toute la famille est expulsée de son appartement du 29 rue Octave Feuillet, et sa bibliothèque spoliée21. Elle se replie dans un logement plus petit, dans la même rue, et refuse de quitter la zone occupée. En février 1944, le bulletin de Gilles à Janson, alors qu’il est en classe préparatoire pour tenter d’entrer à Polytechnique, signale qu’il a disparu. Il est interné à Drancy avec ses parents et sa grand-mère, avant d’être déporté à Auschwitz le 29 avril 1944. Il y est assassiné en juillet de la même année, à 17 ans22.
Théodore, résistant et déporté
Un peu moins d’un mois avant la déportation de Gilles Haarbleicher, le 1er avril 1944, l’aîné des frères Fallois, le st-cyrien Théodore, entré en résistance dans l’ORA (Organisation de Résistance de l’Armée), est arrêté par la Gestapo, qui trouve des papiers compromettants à son domicile d’Évreux. Théodore est déporté au camp de Neuengamme23 ; il travaille à différents Kommandos avant de rejoindre le camp de prisonniers de Sandbostel et de revenir en France en avril 1945.
Par la volatilisation de son inséparable ami24, l’arrestation des lycéens juifs de Janson et la déportation de son frère, Bernard de Fallois vit donc la persécution des juifs et la violence nazie au quotidien de manière très intime, domestique.
Cependant, en dehors de Proust, Fallois fait pendant les années d’occupation une autre lecture fondatrice, celle de Robert Brasillach. On peut imaginer que ce nom était familier des lecteurs de L’Action française rue Cortambert depuis des années (sans doute aussi lecteurs de Je suis partout), mais on aimerait cependant bien savoir par quelle porte le jeune Fallois est entré dans cette œuvre. A‑t-il jamais rencontré Brasillach après son retour à Paris, entre sa libération d’oflag (voulue par les Allemands) en mars 1941 et sa reddition en septembre 1944 ? De la même manière, a‑t-il rencontré Maurice Bardèche, le beau-frère de Brasillach, sous l’Occupation25 ? On l’ignore, mais une chose est sûre : le destin de Bernard de Fallois est désormais lié à celui de Brasillach et Bardèche, emprisonnés à Fresnes presque simultanément en septembre 1944.
Choisir le camp des vaincus
Quand Brasillach est arrêté puis jugé et exécuté, Fallois, qui a alors 18 ans, est sans aucun doute un jeune homme plein de colère, révolté par un procès bâclé, mais qui choisit le camp des perdants qui se veulent magnifiques. À l’incarcération de Brasillach, Bernard de Fallois rentre en contact avec l’avocat du collaborationniste, Jacques Isorni, et l’aide à préparer la défense de l’ex rédacteur en chef de Je suis partout en vue de son procès26. De toute évidence, cette aide a dû consister à déplacer la défense de l’accusé sur le terrain littéraire de façon à convaincre le jury de son appartenance « au génie français », et « nous faire toucher du doigt, le fil magique qui, dans l’enchantement des mots, réunit Racine à Giraudoux et Corneille à Péguy27. » Cette consultation technique dans le cadre d’un procès au retentissement considérable peut être vue comme la première tentative d’un contre-récit destiné à la reconstruction biographique de Brasillach.
Visé par l’épuration en raison de son lien de parenté avec Brasillach (une parenté qui est aussi idéologique), Maurice Bardèche est arrêté le 1er septembre 1944, interné à Drancy puis à Fresnes. Il est mis en liberté provisoire le 21 mars 1945 puis bénéficie d’une ordonnance de non-lieu le 18 mai 1945 avant d’être radié de l’enseignement par arrêté ministériel le 13 avril 1946. Révoqué sans pension, il lui est interdit d’enseigner dans le public comme dans le privé.
III. Le duo Bardèche & Fallois
« On s’apercevra que Proust est le plus grand écrivain du XXe siècle, plus grand que Gide et que Claudel », dit Bardèche.
PAUL MORAND, journal inutile, 27 mars 1971
La réalité des camps de la mort
Cependant tout change en France à mesure qu’on découvre, à partir du printemps 1945, la réalité des camps de concentration et d’extermination. Des photographies, comme celles de Lee Miller, George Rodger ou Eric Schwab à Dachau, Bergen-Belsen ou Buchenwald, connaissent une diffusion mondiale dans les plus grands magazines et bouleversent l’opinion publique, sidérée devant l’étendue de la barbarie nazie.
Si l’antisémitisme ne disparaît pas avec la capitulation, car l’antisémitisme est une « passion » qui ne « [cède] pas devant les faits28 », on prend conscience qu’il n’a plus rien à voir désormais avec celui de la Belle Époque et des Années folles : quelle que soit sa nature, il ne peut plus s’afficher en place publique, à longueur d’éditoriaux rageurs ou d’appels au meurtre comme au temps des Drumont, Daudet, Maurras, Brasillach et consorts29, car « à force de crier “mort aux Juifs !”, il est arrivé qu’ils ont été assassinés30 », et par millions. L’abomination de la Solution Finale le rend tabou, tandis qu’une forme de culpabilité collective s’installe. Auschwitz fait basculer le monde dans une nouvelle ère, et précipite l’avènement de la figure sacralisée de la victime, qui remplace la figure du héros et du martyr31. Les années qui suivent la Libération sont par ailleurs celles d’un désenchantement qui gagne progressivement l’ensemble du pays32.
Réinventer le fascisme
Dans le camp des vaincus, la figure du fasciste doit aussi se réinventer : Maurice Bardèche comme Bernard de Fallois l’ont parfaitement compris. Quand Bardèche sort de prison, leur amour pour Brasillach — « Bernard de Fallois rassemblait pour moi les fragments posthumes de Robert33 » écrit Bardèche — cimente rapidement cette amitié naissante, qui dure jusqu’à la mort34.
Maurice Bardèche n’a jamais fait le deuil de son beau-frère et c’est ce traumatisme, « cet absolu sentiment d’échec qui se muera en une haine cinquantenaire35 ». Toute son après-guerre est consacrée à la défense et à la réhabilitation de Robert Brasillach, « cet homme [qu’il a] aimé plus que tous les autres36 », de même qu’à la remise en cause des juges qui l’ont fait exécuter, au risque de tout perdre.
« Quant à Brasillach et Bardèche […] ils n’avaient pas même cette excuse de Laubreaux : la bêtise. Nous leur devons plusieurs bons livres. Quels salauds, pourtant, dès 1929 ou 1930 ! »
Étiemble, « justice pour les collabos », Évidences, juin-juillet 1952
La Lettre à François Mauriac de Maurice Bardèche, publiée en 1947 (La Pensée libre), marque le début d’un grand mouvement de délégitimation de la résistance, de défense de Vichy et de critique féroce de l’épuration. Convoquant aussi bien Kant que Descartes, osant l’analogie peu surprenante, puisque contre-révolutionnaire, entre les tribunaux de l’épuration et ceux de la Terreur, Bardèche y déploie une rhétorique redoutable dont on peut citer un échantillon : « Nous vivons, nous pensons à l’intérieur d’un cartésianisme politique factice, d’un cartésianisme de carton. Tout ce qui est écrit ou fait en France à l’heure présente repose sur le postulat intangible suivant : Quiconque n’a pas été un Résistant a été un mauvais Français. Cogito, ergo sum. C’est la base de tout. Le reste n’est que de l’autocritique […] votre conviction d’avoir eu raison et les conséquences de fait qui en découlent sont regardées par vous comme une constatation irréductible […] L’excellence de la Résistance est devenue une catégorie de l’entendement. Vous n’êtes pas plus libre de déduire ou de penser hors de ce postulat que nous ne pouvons vivre hors de l’espace et du temps37. »
1948, Les Sept couleurs
L’année 1948 marque le véritable tournant dans l’histoire de Bardèche : « L’une de mes activités nouvelles, écrit-il dans ses Souvenirs, fut une conséquence de mon livre sur le procès de Nuremberg. J’avais fondé pour publier mon livre une maison d’édition, Les Sept Couleurs, régulièrement inscrite au registre du Commerce38. »
En réalité, la maison d’édition Les Sept Couleurs (nom emprunté au titre du roman de Brasillach paru en 1939) n’est pas née de ses seuls capitaux et de sa seule initiative comme il le dit ou l’écrit un peu partout.
Cette société est le fruit de la collaboration active entre Bardèche et son homme lige, Bernard de Fallois. Il s’agit également des véritables débuts de Bernard de Fallois dans l’édition — des débuts, on va le voir, à la fois officiels et officieux.
Cependant, ce ne n’est pas dans les livres d’histoire qu’on trouve confirmation de la création de cette maison d’édition, mais dans les dossiers de Bardèche et de Fallois aux archives de la Préfecture de Police39 :

« La société à responsabilité limitée dite “Les Sept Couleurs” a été créée par acte sous seing privé, le 18 octobre 1948 et enregistrée le même jour.
Elle est inscrite au registre du commerce du commerce de la Seine depuis le 16 décembre suivant sous le n° 344.645 B
Siège social 35 rue Cortambert. La société assure la diffusion de ses ouvrages depuis le domicile de M. de Fallois Armand40, puis au domicile de son gérant, Maurice Bardèche, 5 rue Rataud dans le 5e arrondissement.
Le capital social de la société, fixé à 200 000 francs, est divisé en 200 parts de 1000 francs, réparties comme suit :
- BARDÈCHE Maurice 105
- de FALLOIS Bernard 9541 »
Ne pas rendre les armes
Maurice Bardèche, après La lettre à François Mauriac, ne compte pas rendre les armes, et il peut compter sur son jeune (il n’a que 22 ans) complice de Fallois. Ce jusqu’au-boutisme dans le cas de l’ainé ressemble fort à un suicide social.
Car il ne s’agit plus seulement de l’épuration en France : son ressentiment s’étend à l’ensemble du camp des vainqueurs et de leurs tribunaux, notamment le tribunal international chargé d’instruire les crimes nazis à Nuremberg en 45–46. Avec Nuremberg ou la terre promise, il imagine un nouveau livre à l’argumentation particulièrement retorse, considéré par les historiens comme l’acte de naissance du négationnisme42 qui, est-il besoin de le rappeler, désigne la négation de l’existence des camps de la mort nazis.
Le 13 octobre 1947, Bernard de Fallois écrit à Henri Poulain, l’ancien journaliste de Je suis partout exilé en Suisse et grand ami de Brasillach, qu’il travaille à l’édition de Nuremberg.
Cet extrait de correspondance43 nous apporte la preuve que Fallois œuvrait alors à l’établissement du texte de Bardèche pour leur maison d’édition. Dans une organisation qui relève de la micro-entreprise (puisque Les Sept Couleurs repose sur les seuls Bardèche et Fallois assurant l’édition des textes, la fabrication et son suivi avec l’imprimeur), Fallois a, par son travail minutieux et rigoureux, avec les mêmes compétences que pour établir les textes de Jean Santeuil et du Contre Sainte-Beuve, ajouté sa valeur à l’essai de Bardèche. Le texte définitif doit beaucoup à leurs échanges, ceux d’un auteur avec son éditeur et son indispensable regard critique.
Un triptyque négationniste
Nuremberg ou la terre promise est le second volet de ce que l’historienne Pauline Picco nomme la « trilogie négationniste44 » de Maurice Bardèche, le premier moment de ce triptyque étant La lettre à François Mauriac, et le dernier Nuremberg II ou les faux-monnayeurs (Les Sept Couleurs, 1950). Selon elle, Bardèche « propose un récit fondé sur le postulat suivant : l’extermination des juifs est un mensonge élaboré et diffusé par les juifs eux-mêmes qui, mus par une supposée volonté de domination mondiale, seraient responsables de la Seconde Guerre mondiale. Les Alliés — et, en leur sein, les juifs — auraient inventé les camps de la mort pour se dédouaner de leurs propres crimes45. »
Voilà à quelle entreprise Bernard de Fallois consacre son temps et son argent à l’aube des années 50.
Un livre difficile car bourré de mensonges
Avant d’évoquer dans le détail les circonstances de l’édition et de la fabrication de Nuremberg, il est utile de prendre connaissance de la fine analyse de son contenu par François Azouvi :
« Livre difficile parce que bourré de mensonges et de dénégations, de contradictions et de faux-fuyants, le tout servi par une rhétorique et un style très supérieurs à ceux de son disciple ultérieur : Paul Rassinier. Mais livre très éclairant pour peu qu’on ne le lise pas seulement comme les marques d’un délire mais aussi comme un document révélateur, du sentiment d’un néofasciste qui pense que la France a fait sienne la douleur du peuple juif. Réviser l’histoire dite officielle, telle est bien en effet l’intention de Bardèche, mais pas du tout pour établir que les camps nazis “sont une invention des Alliés”, ni pour récuser le fait que les Juifs “aient été l’objet d’un programme d’extermination”. Bardèche est autrement subtil. Certes, il fait planer un doute sur ces fameux camps “dont personne n’avait entendu parler” jusqu’en janvier 1945, et qui sont devenus la preuve dont les Alliés avaient besoin pour forger la notion de crime contre l’humanité, ces camps qu’on photographia, qu’on publia, qu’on fit connaître “par une publicité gigantesque, comme une marque de stylo46” ». « “Nous sommes tous devenus juifs” confie l’auteur au seuil de son livre », poursuit un peu loin l’historien.
La France fasciste a perdu la partie
Ainsi, en 1948, année de naissance de l’État d’Israël, la France goy rêvée par les fascistes et collabos de toute obédience a perdu le combat. Cousteau, Rebatet, Maurras et Benoist-Méchin sont en prison ; Céline vient d’en sortir ; Morand (et Poulain) planquent en Suisse ; Chateaubriant, Bonnard et quelques autres ont dû s’exiler au fond du Tyrol ou dans l’Espagne franquiste. Les trompettes antijuives sont mises en sourdine, mais certains lustrent les cuivres en attendant des jours meilleurs.
En cette même année 1948 Henri Bardèche, frère de Maurice, cadre de la librairie germano-française Rive Gauche sous l’Occupation et compagnon de cellule de Brasillach à Fresnes, fait une chute mortelle suite à une glissade sur le chantier où il accomplissait le dernier jour de ses travaux forcés.
Même si son « antisémitisme ne s’exprime pas en termes outranciers47 » dans Nuremberg ou la terre promise, Bardèche affirme cependant qu’à Auschwitz on n’a gazé que les poux48, expression qui fait florès puisque reprise par Darquier de Pellepoix en 1978 (dans L’Express) et par Robert Faurisson à la télévision en 198749. L’auteur fonde tout ce raisonnement sur une prétendue erreur dans la traduction de la délégation à Nuremberg, ayant entraîné une confusion au sujet de leur usage criminel.
À l’époque, nul n’a songé à opposer à Bardèche que ces gaz dont il contestait l’utilisation avaient déjà servi aux nazis dans le cadre de l’opération Aktion T4, une opération d’eugénisme et d’hygiène raciale dirigée contre leurs propres concitoyens jugés indignes de vivre. Véritable répétition de la Solution Finale, ce crime contre l’humanité a coûté la vie à « 70273 pensionnaires des asiles d’aliénés allemands et autrichiens […] gazés à l’aide de monoxyde de carbone (CO) dans des centres de mise à mort installés sur le territoire du Reich50 » entre janvier 1940 et août 1941.
La boussole du négationnisme à venir
De fait, avec Nuremberg et sa suite, Nuremberg II ou les faux-monnayeurs, Bardèche et Fallois fournissent la boussole idéale des négationnistes à venir, Rassinier et Faurisson, comme celle de toute l’extrême droite la plus enragée. De Rassinier, Les Sept Couleurs publie d’ailleurs Le véritable procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles en 1962, suivi du Drame des juifs européens en 64.
Le livre de Bardèche développe un narratif sophistiqué qui relève de la fiction et dont Anne Simonin dit justement que ce « révisionnisme s’inscrit, et c’est fondamental, dans une tradition littéraire. Dès les années vingt, la réécriture de l’histoire en fonction d’objectifs politiques, inspirée des théories de Maurras, avait été dénoncée par André Chamson sous le nom de “système uchronique maurassien”. Dans les années trente, Bardèche a été maurrassien, mais contrairement à Brasillach, il n’a jamais été un maurrassien de stricte obédience. À la Libération, il se réapproprie l’uchronie maurrassienne, la centrant autour d’une dénonciation qui se veut implacable de l’épuration51 ». Avec cette « uchronie maurrassienne » revisitée par son ami Bardèche, Bernard de Fallois se trouvait assurément en terrain familier.
Histoire de l’édition de Nuremberg ou la terre promise
Nuremberg ou la terre promise est imprimé à l’Imprimerie de la Seine à Montreuil, comme l’avait été La lettre à François Mauriac. La diffusion du livre est assurée par la société Livre-Office, qui a accepté cette diffusion sans même en connaître le sujet ni le contenu, à partir d’octobre 1948.
Le ministère public engage des poursuites contre Bardèche pour apologie du crime de meurtre en décembre 1948, et les exemplaires de Nuremberg commencent à être saisis par la police dans les quelques librairies où on peut le trouver. Au 1er mars 1949, seuls 49 exemplaires ont été saisis. Quinze jours auparavant, Maurice Bardèche fait son retour à la prison de Fresnes, d’où il sort le 30 avril suivant.
La police saisit en outre 876 exemplaires de l’ouvrage chez le distributeur Livre-Office, placés sous scellés dans trois boîtes différentes.
L’argumentaire du livre, fourni par Bernard de Fallois lui-même et publié fin novembre après quelques corrections de Bardèche dans La Bibliographie de la France, est présenté comme « la première protestation contre quatre ans de mensonge de la propagande judéo-marxiste et contre une jurisprudence internationale qui aboutit au règne de l’étranger et à l’appauvrissement de l’Occident52. »
Descente de police chez Fallois
Bernard de Fallois et Maurice Bardèche se servent de la librairie Peau d’Âne, au 78 rue de la Tour Paris XVIe, comme couverture et comme boîte aux lettres.
La police se transporte « sans désemparer » au 35 rue Cortambert, où Bernard de Fallois occupe une chambre chez son père. Ce dernier se trouve à son domicile quand la police se présente : c’est lui qui permet l’accès à la chambre de son fils, absent au moment de la visite des agents, dans laquelle ceux-ci trouvent, outre 15 exemplaires du Nuremberg, une chemise intitulée « Les sept couleurs » qui contient diverses factures et documents relatifs à l’édition et à la fabrication de l’ouvrage désormais interdit. Bernard de Fallois rentre chez lui au moment, écrit le juge Guy Baurès, où « nous procédons à l’apposition des scellés ». Alors, Bernard de Fallois « déclare que c’est bien lui qui a demandé à la librairie “Peau d’âne” d’accepter le rôle de boîte à lettres pour la maison d’édition des Sept Couleurs ». Il précise enfin que 2000 volumes ont été distribués par les soins d’un courtier. 2000 ouvrages étaient par ailleurs stockés chez Robert de Fallois. L’ouvrage a été remis à l’imprimeur vraisemblablement à la fin octobre et il a été livré à la fin du mois de novembre. Le tirage, comme le révèle Bernard de Fallois dans sa déposition, était de 4000 exemplaires pour l’édition courante et de 1000 exemplaires pour l’édition originale, loin des 25000 avancés par Bardèche. En fait, le tirage était de 7600 exemplaires, mais Bardèche avait refusé le bon à tirer suite à une erreur imputable à l’imprimeur. 4600 exemplaires destinés au pilon avaient été livrés chez le père de Robert de Fallois, ce qui donne une idée de la taille de l’appartement familial. Bernard de Fallois reconnaît les faits et sa participation active à la fabrication, à l’édition et à la diffusion de l’ouvrage. Une participation qu’il avait cherché à dissimuler par tous les moyens, et notamment le recours à la boîte aux lettres Peau d’âne.
Aider par amitié
Comme le déclare Madame Charlotte David veuve Despras, propriétaire de la librairie, Fallois était client et c’est par amitié qu’elle avait accepté de servir de boîte aux lettres, avant d’apprendre par La Bibliographie française que l’adresse de sa librairie « était indiquée de manière à laisser supposer que celle-ci était la maison d’édition ».
Quant à la distribution, le gérant de Livre-Office Michel Vittonatto affirme que 1100 exemplaires (sur un stock de 2000 exemplaires) avaient été livrés aux libraires, constituant en tout 450 commandes.
Après un feuilleton judiciaire « long et complexe53 », Maurice Bardèche, défendu évidemment par Jacques Isorni, est relaxé suite au jugement prononcé le 6 février 1951 — date du cinquième anniversaire de la mort de Robert Brasillach. Mais l’affaire n’est pas close : le Parquet fait appel du jugement en février 1951 et un second procès a lieu un an plus tard, à l’issue duquel Bardèche est condamné à un an de prison et à une amende de 50000 francs. Le pourvoi en cassation demandé par Isorni est rejeté en février 1954. Emprisonné le 30 juin, Bardèche est amnistié par René Coty le 14 juillet 1954, et il retrouve la liberté le lendemain.

IV. Il était deux Fallois dans l’ouest parisien
Une organisation bifide
Fallois se tire indemne de cette saga judiciaire. Entre Bardèche et lui, les rôles semblent avoir été répartis de façon claire mais tacite : à l’aîné la lumière et l’action publique, la représentation et la revendication ; au cadet l’opérationnel, la discrétion et l’organisation, dans une clandestinité qui ressemble à une parodie de l’édition résistante. On le rappelle, en 1948, Fallois a 22 ans et Bardèche 41. Celui-ci a déjà connu la prison, et il n’envisage pas vraiment les ennuis que pourraient lui causer la parution de Nuremberg. Fallois, s’il paraît indécis quant à sa carrière (il s’est mis en disponibilité de l’enseignement), a l’avenir devant lui et, pour paraphraser le texte de Pujo sur son oncle cité au début de cet article, il hésite « à compromettre la carrière brillante à laquelle il pouvait prétendre en participant » publiquement aux luttes néofascistes. Sa correspondance de l’époque avec le journaliste collaborationniste exilé en Suisse Henri Poulain, antisémite virulent et délateur dans les colonnes de Je suis partout, montre qu’il sent les problèmes judiciaires de Bardèche arriver de loin. S’il n’est pas du tout en opposition idéologique, il trouve que son ami prend trop de risques, et on a le sentiment qu’il serait partisan de faire profil bas et de donner la priorité à la reconstruction mythologique de Robert Brasillach.
Un catalogue sans équivoque
Le catalogue des Sept Couleurs est sans équivoque. Outre les inédits de Robert Brasillach réunis par Bernard de Fallois et destinés à ripoliner l’image du publiciste en gommant son antisémitisme54, outre les propres écrits de Maurice Bardèche comme son Proust romancier (dont Suzy Mante-Proust raffole), on retrouve des figures plus ou moins connues de l’extrême droite, de la Collaboration ou du révisionnisme : Xavier Vallat, Paul Rassinier, Julius Evola, François Duprat, Pol Vandromme, etc. Et même, en 1972, le chirurgien Robert Soupault55, formé par Robert Proust, chantre de l’eugénisme, ami d’Alexis Carrel et membre sous l’Occupation du groupe Collaboration et du Cercle européen. Cette dilection pour l’occupant lui vaut à la Libération une interdiction de pratiquer la médecine de trois ans. Les Sept couleurs réédite justement son hagiographie de Carrel, dont visiblement Plon ne veut plus.
Fallois, avec les Hussards
Au moins jusqu’en 1958, l’implication financière et idéologique de Bernard de Fallois dans la maison d’édition les Sept Couleurs ne fait aucun doute puisqu’il en est toujours actionnaire.
Ainsi, il se consacre à la fois, pendant la décennie 48–58 et, du plus public et dicible au plus privé et secret, à la préparation de l’agrégation, à l’enseignement, à ses travaux proustiens auprès de Suzy Mante-Proust, à des activités de journaliste moins connues, sous son propre nom et, enfin, à la maison d’édition fasciste Les Sept Couleurs. C’est aussi l’époque, et ça n’étonnera personne, où il fréquente Roger Nimier56 et le reste des Hussards57, qui unissent pour la première fois leur signature sur la pétition de soutien à Maurice Bardèche, colportée par Bernard de Fallois en 1949.
Fallois me racontait hier qu’il fait à la Sorbonne des cours de vacances à des professeurs venus, pour l’été, de l’étranger. Lisant la nouvelle de la mort de Céline dans le métro qui l’amenait à la Sorbonne, il se dit : « Il faut que je parle aux élèves que j’aurai aujourd’hui, et que je ne connais pas encore, de Céline. » En arrivant, l’administration lui dit : « Vos élèves, aujourd’hui ce sont 40 professeurs israéliens. »
Paul morand, lettre à jacques chardonne, 6 juillet 1961
On cherchera en vain, dans ses articles ou dans ses livres, les traces visibles d’un antisémitisme quelconque. Ce qui définit l’appartenance de Bernard de Fallois à l’extrême droite se trouve davantage dans le catalogue de ses admirations et de ses amitiés. Pour le premier, citons Rebatet (dont il chronique, dans Opéra, Les Deux Étendards), Céline (auquel il souhaite consacrer sa thèse, avant Proust, et auquel il consacre un article dans Opéra), Jouhandeau (qu’il préface). Pour ses fréquentations, outre les Hussards, Rebatet et Bardèche, on peut citer, parmi d’autres, Jacques Benoist-Méchin, Jean Jardin, Henri Poulain et bientôt Paul Morand et Georges Simenon (grand admirateur de Brasillach, qui le lui rendait bien).
Beaucoup d’amis juifs
On va m’objecter qu’au quotidien il fréquentait pour son travail et en privé beaucoup de juifs et qu’il semblait rechercher leur compagnie : André Maurois, Raymond Aron, Emmanuel Berl, Jean-Claude Zylberstein58, Pierre Nora, Allan Bloom etc. Ceci ne contredit pas l’antisémitisme et le racisme d’un homme qui voit, de toutes façons, la présence de l’ennemi intérieur ou de l’étranger comme une fatalité. À cet égard, une lettre à Henri Poulain, non datée, dit tout de cette résignation dégoutée à devoir vivre en leur compagnie.
Fallois vit cet antisémitisme comme un fait qui va de soi, qui relève d’une foi, d’une croyance fondamentale qui n’est pas contestable et qui lui a sans doute été inculquée dès son plus jeune âge. Cette croyance se nourrit dans la clandestinité, comme celle des chrétiens cachés aux premières heures du christianisme. Pourtant, des accidents ou des gaffes peuvent parfois fissurer ce cryptantisémitisme : un document dérogatoire dans son dossier aux archives de la préfecture de police indique qu’il aurait été licencié de son poste de directeur du livre Hachette pour « son attitude antisémites [sic] à l’intérieur de l’établissement59. »
C’est Simon Nora, le PDG d’Hachette et frère de l’historien Pierre, qui met fin aux fonctions de Bernard de Fallois en 197560. L’histoire officielle ? il fallait ainsi, en exfiltrant celui qui n’avait pas digéré la fin du contrat entre Gallimard et le Livre de Poche61, mettre fin à l’état de guerre permanent entre les deux maisons.
Bernard 2 Fallois, l’éditeur recto/verso
Alors, qui est le vrai Bernard de Fallois ? Celui qui, sous le nom de René Cortade (pseudonyme pris au roman de Robert Brasillach Comme le temps passe) se joint avec empathie aux victimes de la Shoah dans ses chroniques cinéma62, ou celui qui salit la mémoire des déportés par la publication d’œuvres négationnistes et néofascistes aux Sept Couleurs ? « L’extraordinaire professeur63 » décrit par Élisabeth Roudinesco, qui écoute les lycéennes pro FLN au collège Sévigné dans le silence et le respect — sans les dénoncer au directeur —, ou celui qui édite Mémoire vive d’Alain de Benoist en 2012 ? Celui qui festoie avec Jean-Claude Zylberstein et Allan Bloom ou celui qui dîne avec Rebatet, Benoist-Méchin et Bardèche ? Celui qui partage et diffuse inlassablement l’œuvre de Proust ou celui qui exulte en contemplant, seul (?), les sept caisses de manuscrits inédits du romancier ?
Assurément, il s’agit du même homme, dans lequel se meuvent deux personnalités opposées comme le recto et le verso d’une feuille de papier64.
Ainsi, la « dualité foncière de l’individu65 » selon Proust, le motif des personnalités multiples qui traverse toute la Recherche (et même la méthode mosaïque qui préside à la création des personnages) a peut-être structuré la personnalité de Fallois à l’adolescence — dans tous les cas il a pu y trouver un miroir et une justification esthétique, renforcée par son exhumation du Contre Sainte-Beuve, où il trouve exposée la théorie du moi social, du moi créateur et du moi profond.
L’engeance aux deux visages
Les textes de Bernard de Fallois en disent plus long sur lui-même en Janus qu’on ne pourrait le croire. Trois exemples très différents, typiques de ses sporades ou de sa volonté de laisser quelques indices. Dans le premier, et la lettre inédite à André Maurois publiée dans mon article précédent, de Fallois évoque, en parlant de Proust, « le plus secret des écrivains ».
Le deuxième est publié dans l’hommage à Brasillach, un numéro spécial de Défense de l’Occident à l’occasion des dix ans de la mort de « l’indic à binocles66 ». Dans ce texte aux accents proustiens, Fallois écrit cette phrase qui a tout du confiteor : « Comme toute personnalité véritable, Brasillach était double67. »
Enfin, une piste dans le titre du seul film jamais réalisé par Marlon Brando (un acteur aux personnalités ô combien multiples) et que René Cortade-Bernard de Fallois chronique dans Arts : La vengeance aux deux visages (1961). Voilà qui sonne rétrospectivement comme un véritable programme de vaincus.
Épilogue : entretien ou duel ?
Lorsque Nathalie Mauriac Dyer invite Bernard de Fallois à échanger dans son bureau en 2013, année du centième anniversaire de la publication de Du côté de chez Swann, il ne s’agit pas seulement d’un entretien à paraître dans la revue de génétique GENESIS. On assiste véritablement à la confrontation de deux mondes antagonistes, mais nul ne savait jusqu’à présent à quel point ni comment ils l’étaient.
À ma gauche, la directrice de l’équipe Proust à l’Item, la reine de la transcription diplomatique et de la leçon infinie, l’héritière qui tente, contre les gardiens de la Vulgate, de se faire un prénom depuis la publication du manuscrit fantôme d’Albertine disparue (1987).
À ma droite, l’ancien grand patron au « sadisme naturel68 », jésuite d’entre les jésuites, le manipulateur pervers et démoniaque portraituré presque sans retouche dans Affaires étrangères de Jean-Marc Roberts (1979).
L’une ne jure que par l’édition scientifique des carnets et des manuscrits de Proust, avec toute la terminologie qui l’accompagne ; l’autre, s’il est est tout autant analytique, écoute davantage son intuition, mais c’est la vulgarisation, la pédagogie et les grosses ventes qui l’intéressent au premier chef. Fallois a publié Proust chez France Loisirs, le genre de publication que les universitaires méprisent (et d’ailleurs, ils ne daignent jamais accorder ne serait-ce qu’une mention à ces opuscules dans leurs savantes bibliographies). La première rêve de mettre la main sur les 75 feuillets ; le second possède les 75 feuillets et, s’il le souhaite, il peut les feuilleter (mais oui) chaque matin au petit déjeuner si ça lui chante.
Surtout, cet échange qui s’amorce se révèle, après la mort de Bernard de Fallois, fondamentalement asymétrique et biaisé, car il en sait bien davantage qu’il n’est prêt à en dire. Davantage sur les 75 feuillets tant convoités ; davantage sur l’homme qui injurie son grand-père François Mauriac, en pleine rue, sous l’Occupation, Henri Poulain69 ; davantage sur les échanges que François Mauriac a eus avec Maurice Bardèche, dont il a peut-être poli La lettre à François Mauriac ; et forcément davantage sur ce que Suzy Mante-Proust l’a autorisé à conserver des manuscrits de Proust à son domicile.
Pour toutes ces raisons, cet entretien lourd de non-dits n’est rien moins, de la part de Bernard de Fallois, qu’un monument de jésuitisme et de tartufferie, et l’ultime manifestation d’une duplicité qui, disons-le, est assez effrayante. Mais certains esprits complaisants pourront toujours avancer qu’il faut séparer l’homme de l’œuvre, cette scie du Contre Sainte-Beuve qu’il avait hautement contribué à colporter.
Ce qu’on apprend de la correspondance Fallois-Poulain
J’ai pu lire l’intégralité des lettres que Fallois a adressées à Henri Poulain, le journaliste antisémite en exil à Genève. Une correspondance très instructive, même si elle est rarement datée : on sait cependant que ce corpus de lettres s’étend de 1947 à 1967. Ces échanges sont en consultation libre aux AN, mais leur reproduction et leur citation ne peuvent se faire sans autorisation spéciale. Fallois depuis la France rend de multiples services à Henri Poulain, dont il est la boîte aux lettres et le factotum, à qui il manifeste sa constante amitié, même si les liens se distendent au fur et à mesure de l’ascension de l’éditeur dans le groupe Hachette. Leurs échanges sont parfois cryptés, preuve que Fallois craint une surveillance policière. Il est dans le collimateur des RG à partir de la parution de Nuremberg. Il rend assez souvent visite à Poulain à Genève.
On apprend qu’il souhaite être reçu au Danemark par Céline et qu’il fait le déplacement dans ce pays, après 1946, alors que l’écrivain réside chez son avocat, maître Mikkelsen, après sa sortie de prison. S’il a bien fait ce pèlerinage, on se sait pas s’il a été reçu : rien ne permet de l’affirmer. Toujours est-il qu’il abandonne bientôt sa volonté de faire sa thèse sur Céline au profit de Proust70.
Roland Laudenbach, fondateur de la Table Ronde, et Maurice Bardèche sont partout dans cette correspondance, et visiblement Fallois a aussi travaillé à des livres pour le premier à la fin des années quarante, sans qu’on sache précisément lesquels. On apprend aussi que l’éditeur de Jean Santeuil fait tout pour échapper au service militaire, et qu’il fait l’objet d’une procédure disciplinaire pour avoir offert du parfum à une mineure au lycée de Beauvais.
Pour l’histoire littéraire enfin, c’est Paul Mazon, grand helléniste, qui annonce dans la cour de l’Institut à Bernard de Fallois, demandeur d’une bourse, qu’elle lui a été refusée.
Remerciements : Marielle Vichot, les Jansoniens.
Merci à également à Paul Morand pour sa constance dans l’abjection et le potinage.
- Voir mon article, « Une brève histoire de la Recherche au Livre de Poche » ↩︎
- Collectif, Tel était Bernard de Fallois (Editions de Fallois, 2018), disponible en ligne sous ce lien ↩︎
- Je complète l’information qui manquait alors à Pujo : selon son dossier militaire, il s’agit du 161e R.I. Théodore de Fallois était encore étudiant lorsqu’il est tombé au front. https://archives.paris.fr/s/17/etats-signaletiques-et-des-services-militaires/1394161/fallois-de/ ↩︎
- Amédée Thalamas (1867−1953), professeur d’histoire-géographie, a enseigné au lycée Condorcet, au lycée Charlemagne, puis à la Sorbonne. Sur l’Affaire Thalamas, ou plutôt les deux affaires Thalamas, voir Jacques Prévotat, L’Action française (Que sais-je, PUF, 2004), p. 24. Voir aussi : https://www.retronews.fr/long-format/2018/05/25/1904-laffaire-thalamas-dechaine-lextreme-droite ↩︎
- Dans l’édition du 28 juillet 1915. ↩︎
- Voir la note 3 ci-dessus. ↩︎
- Bernard Simiot, De Lattre, Flammarion, 1953, p.42. ↩︎
- Robert de Fallois a vraisemblablement changé d’emploi pendant l’entre-deux guerres : « Mon père travaillait comme employé dans une compagnie d’assurances ; il gagnait sa vie très modestement » dit son fils dans « Souvenirs d’une vie d’éditeur », entretien de Bernard de Fallois avec Valérie Toranian et Robert Kopp, La Revue des deux mondes, Juillet août 2018
Sous l’Occupation, il indique « Directeur du pool des pétroles » dans le dossier administratif de son fils à Janson de Sailly. Le véritable titre est « Directeur du pool des carburants ». ↩︎ - L’Action française, 30 mai 1926. ↩︎
- Sur Max Daireaux, on peut lire ce texte traduit de l’anglais (et dont on doit la version originale à Herbert Craig) : https://www.traitdunion.com.ar/2022/01/18/echange-epistolaire-entre-marcel-proust-et-max-daireaux-un-argentin-sur-le-chemin-de-lecrivain-francais ↩︎
- Robert Soupault, Marcel Proust du côté de la médecine (Plon, 1967) p. 15. ↩︎
- « Souvenirs d’une vie d’éditeur », entretien de Bernard de Fallois avec Valérie Toranian et Robert Kopp, La Revue des deux mondes, Juillet août 2018 ↩︎
- L’Action française étant interdite après guerre, le père de Bernard de Fallois devient membre de Restauration nationale (carte 5603), un avatar du mouvement maurrassien créé en 1955. ↩︎
- Pour se faire une idée de la vie d’un collégien à Franklin à cette époque, il suffit de lire le récit qu’en fait Jean-Yves Tadié dans ses mémoires, L’Autre côté du temps (pp. 45–47), lui qui est son cadet de 10 ans. ↩︎
- « L’histoire d’un roman est un roman », entretien de Bernard de Fallois avec Nathalie Mauriac Dyer, Genesis, 2013.
↩︎ - Hélène Lange est la tante de Monique Lange (1926−1996), éditrice chez Gallimard et scénariste. Sur Monique et sa descendance, voir l’extraordinaire film de Mona Achache, Little Girl Blue (2023). ↩︎
- « L’histoire d’un roman est un roman », entretien de Bernard de Fallois avec Nathalie Mauriac Dyer, Genesis, 2013. ↩︎
- Michel Sciama, Impasse de l’étoile – Conversation, L’Harmattan, 2008. ↩︎
- Michel Sciama, Impasse de l’étoile, op. cit., p. 59. ↩︎
- Lire « Une découverte proustienne dans Le Lundi par Antoine Compagnon » ↩︎
- Liste des personnes spoliées du Mémorial de la Shoah établie par Martine Poulain. ↩︎
- Lycée Janson de Sailly, Mémorial des élèves juifs déportés (Glyphe, 2022), pp. 71–77. ↩︎
- Camp où René Gimpel, ami de Proust et un des modèles de Charles Swann, est déporté le 15 juillet 1944 et où il trouve la mort le 3 janvier 1945. ↩︎
- Michel Sciama s’engage dans la Résistance après sa libération de Drancy. Après la guerre, il enseigne l’anglais et il est notamment traducteur de James Baldwin. De 1975 à 1978, il dirige l’Institut Français d’Edimbourg. En 1978, il rencontre son homologue, directeur de l’Institut Français de Londres, un certain Jean-Yves Tadié. Les deux hommes dînent ensemble, sans rien se dire de Proust. Ils se promettent de se revoir, sans jamais réaliser ce vœu. ↩︎
- Sur la fable tenace d’une soi-disant neutralité de Bardèche sous l’Occupation (par exemple dans le dernier livre d’Emmanuel Carrère, Kolhoze, ou dans Solderie de Patrick Besson), voir l’étude édifiante de Judith et Boris Lyon-Caen, « Balzac en noir. Histoire d’une lecture (années 1930 – années 1950) » dans Balzac et l’imaginaire du brigandage (Classiques Garnier), pp. 225–249. ↩︎
- Maurice Bardèche, Souvenirs (Buchet-Chastel, 1993), p. 170. D’Isorni, Fallois dit pis que pendre dans sa correspondance avec Henri Poulain. ↩︎
- Jacques Isorni, Le procès de Robert Brasillach (Flammarion, 1946), p. 173. ↩︎
- François Azouvi, « La délégitimation de l’antisémitisme au lendemain de la Seconde Guerre mondiale » in Archives juives, L’antisémitisme en France au lendemain de la Seconde guerre mondiale 2016/2, vol. 49, p. 15. ↩︎
- Le rétablissement de la loi Marchandeau instaure aussi une retenue dans l’expression de l’antisémitisme le plus ultra par voie de presse. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- François Azouvi a magistralement analysé ce changement anthropologique dans un livre récent, Du héros à la victime : la métamorphose contemporaine du sacré (Gallimard, 2024). ↩︎
- Ce même désenchantement qui donne fin 48 la littérature des Hussards, auquel Bernard de Fallois est rattaché. 1948 est aussi l’année où George Orwell met la dernière main à 1984, où le doublethink représente bien ce renversement dialectique de toutes les valeurs qui va connaître une fortune hélas si pérenne. ↩︎
- Maurice Bardèche, Souvenirs, op. cit., p.170. ↩︎
- Bernard de Fallois rend une visite hebdomadaire à Maurice Bardèche (voir la préface de Luc Fraisse dans Proust avant Proust). Plus tard, il embauche son petit-fils, Christophe, au service commercial des éditions de Fallois. ↩︎
- Bénédicte Vergez-Chaignon, Vichy en prison, Les épurés à Fresnes après la Libération (Gallimard, 2006), p. 154. ↩︎
- Maurice Bardèche, Lettre à François Mauriac (La Pensée libre, 1947), p. 19. ↩︎
- Maurice Bardèche, Lettre à François Mauriac, op. cit., p. 13–14. ↩︎
- Maurice Bardèche, Souvenirs, op. cit., p. 187. ↩︎
- Archives de la préfecture de police. Extrême droite, cote GA 109 – 109286661 Le document cité ici date de décembre 1958. Aux archives de la PP, voir aussi Bardèche Renseignements Généraux 77W 3906 – 392177. Pour le registre du commerce lui-même : archives de Paris, cote D33U3 1530. ↩︎
- Prénom du grand-père de Bernard de Fallois. ↩︎
- Préfecture de police, Maurice Bardèche, Renseignements généraux, 77W 3906 – 392177 ↩︎
- Henry Rousso a forgé ce terme en 1987 afin de le dissocier de révisionnisme, un terme utilisé jusqu’alors, mais trop ambigu et qui revêt dans certains contextes, notamment la mise à jour de publications en histoire, une acception positive. ↩︎
- Archives nationales, cote 811AP. La correspondance Fallois-Poulain est en consultation libre mais sa reproduction est cependant soumise à autorisation. ↩︎
- Pauline Picco, « Ranimer la flamme après 1945 », in Baptiste Roger-Lacan, Nouvelle histoire de l’extrême droite – France 1780–2025 (Seuil, 2025), p. 201. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- François Azouvi, Le mythe du grand silence (Gallimard, Folio histoire, 2015), p. 106. ↩︎
- Emmanuel Debono, Le racisme dans le prétoire (PUF, 2019), p.151. Tout un chapitre de cet ouvrage de référence est consacré à cette affaire (pp. 148 à 164). Voir aussi « Le premier âge du révisionnisme » in Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France (Seuil, 2000). ↩︎
- Nuremberg ou la terre promise, op. cit. p. 133. ↩︎
- Lire cet article de Valérie Igounet https://www.lhistoire.fr/le-cas-faurisson-itin%C3%A9raire-dun‑n%C3%A9gationniste et voir cette archive de l’INA : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/faurisson-a-auschwitz-on-a-gaze-des-poux ↩︎
- Yves Ternon, « L’Aktion T4 » in Revue d’histoire de la Shoah, 2013/2 N° 199, p. 37. ↩︎
- Anne Simonin, « On peut guérir de ses blessures », in Mémoires occupées, Fictions française et Seconde Guerre mondiale, sous la direction de Marc Dambre, Presses Sorbonne Nouvelle, 2013. Voir aussi L’homme contre l’histoire d’André Chamson (Grasset, 1927). ↩︎
- Cité dans le document d’exécution de la commission rogatoire du juge Guy Baurès, 18 décembre 1948.
Tout le récit qui suit est tiré de la déposition de Bernard de Fallois, faite le 20 décembre (Archives de la préfecture de police. Extrême droite, cote GA 109). ↩︎ - Selon l’expression de Jean-Marc Dreyfus, qui a documenté les procès Bardèche dans un article fort détaillé, « Les procès de Maurice Bardèche » (1948−1954), Revue d’histoire 2022, pp. 43–56. ↩︎
- L’édition des Œuvres complètes de Brasillach par Maurice Bardèche, en 1963 au Club de l’honnête homme (Plon) est le point culminant de cette entreprise. Les passages les plus antisémites des articles de Je suis partout sont systématiquement effacés comme l’a montré Alice Kaplan dans son excellent Intelligence avec l’ennemi. Le procès Brasillach (Gallimard, 2001).
Le culte de Brasillach par Fallois est moins tapageur mais s’exerce discrètement au Livre de Poche. Il y publie tout d’abord Comme le temps passe en 1963, puis Les Sept couleurs en 1966. En 64, le premier tome de L’Histoire du cinéma de Bardèche et Brasillach, suivi du second en 65, auquel il ajoute une contribution de son cru, s’inscrivant pour toujours dans l’histoire du duo fasciste.
Au sujet du travail de réédition de Brasillach par Fallois, on peut lire Antoine Compagnon, « Oublier Barrès », le texte liminaire de l’ouvrage collectif qu’il a dirigé chez Gallimard, À l’ombre de Maurice Barrès (2023). ↩︎ - Auteur de Marcel Proust du côté de la médecine, Plon, 1967. Dans ce livre, en page 15, on apprend que la famille Daireaux et la famille Dancognée-Soupault se fréquentent de longue date. Le fameux tennis où Proust pose avec la raquette-guitare appartient aux Daireaux. ↩︎
- Deux versions de sa rencontre avec Nimier circulent : la première, de Fallois lui-même, indique qu’il l’aurait rencontré sous l’Occupation, par Roland Laudenbach. La seconde, début 1949, est signalée par Marc Dambre dans son livre Génération Hussards. Nimier, Blondin, Laurent… Histoire d’une rébellion en littérature (Perrin, 2022). C’est l’écrivain-avocat homosexuel, misogyne et chantre de Brasillach Stephen Hecquet qui aurait présenté Fallois à Nimier. ↩︎
- Voir Christian Millau, Au galop des Hussards (éditions de Fallois,1999) et Marc Dambre, op. cit. ↩︎
- Lire son amical témoignage dans Souvenirs d’un chasseur de trésors littéraires (Bourgois, 2022), pp. 144–146. ↩︎
- 77W5310-655126 – Bernard de FALLOIS. Ce document est soumis à dérogation. ↩︎
- Pierre Nora, Une étrange obstination (Gallimard, 2022), p. 16. ↩︎
- À ce sujet, voir mon article, Une brève histoire de la Recherche au Livre de Poche ↩︎
- Voir par exemple sa chronique du film Le Temps du ghetto de F. Rossif dans Chroniques cinématographiques (éd. de Fallois, 2019). ↩︎
- Élisabeth Roudinesco, entretien téléphonique du 22 septembre 2025, que je remercie ici au passage. ↩︎
- Et qui fournirait un cas d’espèce supplémentaire à Pierre Bayard dans son récent Je sommes plusieurs – sur les personnalités multiples (Minuit, 2025). ↩︎
- Pierre Bayard, Je sommes plusieurs, op. cit., p. 36. ↩︎
- Jérôme Garcin, Des mots et des actes (Gallimard, 2024), p. 36. ↩︎
- Défense de l’Occident, Numéro XX, Plon, février 1955. ↩︎
- Pierre Nora, Une étrange obstination, op. cit., p. 15 ↩︎
- En 1942. Voir Jean-Luc Barré, François Mauriac, p. 20 ↩︎
- Claude Habib, Tel était Bernard de Fallois, op. cit. p. 117. ↩︎




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