CRITIQUE EN UNE PHRASE. XXesiècle de Benjamin Crémieux (Gallimard, 2010).

Benjamin Crémieux (1888−1944) était un esprit brillant et un grand intellectuel de la première partie du XXe siècle, à la fois critique, traducteur (notamment de Pirandello, qu’il fait connaître en langue française), romancier, membre de La Nouvelle Revue Française, ami et lointain cousin de Proust (il avait soutenu Crémieux à la Fondation Blumenthal) auquel il consacre un essai d’autant plus magistral qu’il est publié en 1924, alors que la Recherche est toujours en cours de publication ; en effet, il est un des rares de son temps à défendre l’idée qu’une construction rigoureuse sous-tend toute l’entreprise proustienne (« un génie de constructeur », écrit-il : Proust lui avait-il dévoilé la fin ?), à finement analyser le rôle de l’inconscient, à proposer l’idée éminemment moderne d’une composition dynamique (« Ainsi la composition de l’œuvre de Proust n’est pas uniquement statique, elle est aussi et bien plus encore dynamique »), à montrer l’utilisation proustienne du leitmotiv wagnérien, à en caractériser « l’humorisme » (un emprunt à Pirandello) ou le style par une lecture qui n’a pas pris une ride et qui s’achève par cette phrase aux reflets baudelairiens : « Mais plus encore que le psychologue, le moraliste ou le métaphysicien, ce qui attire, retient, passionne dans cette œuvre, c’est Proust lui-même, la somme de bonté, d’intelligence, d’humanité, de poésie qui emplit cette nouvelle “comédie terrestre” où l’amour figure l’Enfer, le “monde” le Purgatoire, et dont l’art est le Paradis ».
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