La bibliothèque proustienne idéale de Laure Murat
Voilà quelques temps, Nicolas Ragonneau m’a demandé de sélectionner une liste idéale de dix livres, issue de ma bibliothèque proustienne – projet bien sûr impossible et déchirant. Mais comme on ne résiste pas aux diableries de Monsieur Proustonomics, je me suis exécutée, assumant l’arbitraire de mes choix, guidés par la passion de la lectrice et l’usage de l’enseignante que je suis.
À tout seigneur, tout honneur : le trio magique des années 60–70, qui marque un renouveau fondamental de l’analyse littéraire et le coup d’envoi de la critique proustienne moderne. Sujets à controverses, à révisions et à objections, ces trois textes restent incontournables.
- Roland Barthes, « Proust et les noms », To Honour Roman Jakobson, (Mouton, La Haye, Paris, 1967). Texte repris dans Roland Barthes, Marcel Proust. Mélanges (Points, Paris, 2022).
- Gilles Deleuze, Proust et les signes (PUF, Paris, 1964). Edition revue et augmentée en 1972 et 1976.
- Gérard Genette, Figures III (Seuil, Paris, 1972). Repris dans la collection Points, 2019.
Bien que tardive, ma découverte la plus récente et la plus enthousiaste. Aussi incontournable, à mon avis, que les trois précédents, Proust ou le réel retrouvé est aussi une critique très fine de Deleuze, et une splendide mise en perspective de Proust et Merleau-Ponty. Entre autres.
- Anne Simon, Proust ou le réel retrouvé. Le sensible et son expression dans À la recherche du temps perdu (PUF, Paris, 2000). Nouvelle édition chez Honoré Champion, 2011.
Enfin disponible, l’ensemble des articles d’Eugène Nicole, le plus grand commentateur de l’onomastique chez Proust.
Sorti chez Cornell University Press en 1999, un livre qui est à la fois le premier à aborder sérieusement la question du lesbianisme chez Proust et qui demeure à ce jour, soit vingt-cinq ans plus tard, le plus original et le plus convaincant.
Deux « outils » formidables, dont je me sers tout le temps.
- Luc Fraisse, Proust au miroir de sa correspondance, Sedes, « Les livres et les hommes », 1996.
- Sous la direction d’Annick Bouillaguet et Brian G. Rogers, Dictionnaire Proust, Honoré Champion, 2004.
« La » référence, parmi tant d’autres livres de l’auteur, éditeur des œuvres dans la Pléiade.
J’ai hésité, tant ça ressemble à de la flagornerie. Mais non, décidément, je l’aime trop ce livre astucieux, drôle, inattendu, où j’ai appris mille choses et grâce auquel j’ai évité d’écrire de grosses bêtises après la lecture (et la relecture) de l’inénarrable chapitre sur « Bergotte millionnaire ».
Et s’il n’en restait qu’un…
8 Comments
Leyla · 26 janvier 2024 at 11 h 40 min
Merci beaucoup
Nanon Gardin · 26 janvier 2024 at 13 h 31 min
J’ajouterais volontiers trois livres à la liste de Laure Murat :
– Le catalogue de la magnifique exposition de la BNF, la Fabrique de l’oeuvre, qui permet enfin de voir de façon inédite le travail colossal de Proust et de tous ceux qui se sont penchés avec passion sur son oeuvre, de mettre à jour les difficultés qui ont rebuté tant de lecteurs potentiels et d’assouvir la curiosité de tous ceux qu’elle a enchantés.
– Le petit Proust de Beckett, lecture d’un jeune écrivain ô combien prometteur dont la sobriété est devenue la marque autant que la prolixité celle de Proust, mais dont la lecture démontre une compréhension du texte que peu ont finalement égalée.
– Enfin pour la proximité surprenante et la sympathie que m’ont inspiré le livre de … Laure Murat !
Bernard Ferry · 27 janvier 2024 at 9 h 38 min
Comment deux proustiens
de haut vol peuvent écrire : miLLionnaire avec une faute !!! MDR
Nicolas Ragonneau · 27 janvier 2024 at 20 h 01 min
Bernard, il me semble que le mot faute est bien spectaculaire pour une simple coquille. JVAQM
María Cristina Restrepo · 28 janvier 2024 at 17 h 45 min
Proust the inexhaustible. I will dive into Miss Murat’s book with the sense of diving into de deepest sea that every word written about him, evoques.
Thank you for it.
María Cristina Restrepo
Madeleine Gardin · 29 janvier 2024 at 16 h 34 min
Une vraie fan !… the deepest sea ! Nothing less !
benoit goloubinow · 28 janvier 2024 at 19 h 57 min
Une petite remarque, purement technique, sur vos passionnantes publications : les caractères d’imprimerie, plus gris que noirs, ne sont pas faciles à lire !!! Le confort de lecture, ça aide bien pour aller au bout d’un article !!!
Nicolas Ragonneau · 29 janvier 2024 at 12 h 07 min
merci pour votre message, mais de quels textes en gris parlez-vous ? Car il n’y a que du noir, à l’exception des liens hypertextes, qui sont en jaune-brun.