Proust & His Banker de Gian Balsamo
CRITIQUE EN UNE PHRASE. Proust & his Banker, Gian Balsamo (The University of South Carolina Press, 2017).
Voici un exemple unique de livre publié dans son édition princeps en italien (sous le titre Alla ricerca del tempo sprecato, 2012 et sous le pseudonyme de Luigi Ferdinando Dagnese) puis dans une version augmentée et révisée directement en anglais par le professeur Gian Balsamo (quel magnifique nom pour ce spécialiste de mathématiques financières et de littérature comparée !), mais dans les deux langues le sujet demeure ; il s’agit d’une chronique biographique de Marcel Proust vue par l’inspection comptable et sensible (un peu comme si votre comptable connaissait aussi bien les livres de compte que les autres) de ses finances (avec graphiques à l’appui), de la spéculation et de la gestion chaotique de son portefeuille (il avait hérité à la mort de ses parents de plus de 6 millions de nos euros actuels) ; pourtant aidé par son cousin éloigné Lionel Hauser, Proust fait des placements malheureux (dans des compagnies minières par exemple), des dépenses somptuaires (l’avion d’Alfred Agostinelli en est le symbole tragique) qui le mettent au bord de la ruine mais il finit par s’en sortir, notamment grâce à des actions achetées sans en avertir Hauser (il estime d’ailleurs que ses parents auraient été fiers de ce boursicotage fructueux), mais aussi, après la guerre, avec l’argent du Goncourt : au prix d’un travail de reconstitution colossal, Balsamo montre avec virtuosité comment les déboires de Proust se transforment en triomphe littéraire et irriguent à la fois la Recherche, mais aussi Pastiches et Mélanges (voir les différentes versions de l’Affaire Lemoine) — pour tout dire un portrait de Marcel Proust en double Midas inverse, l’homme qui transforme l’or en plomb, puis le plomb en ors, les ors de la postérité littéraire.
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