Proust contre la déchéance de Józef Czapski

Published by Nicolas Ragonneau on

CRITIQUE EN UNE PHRASE. Proust contre la déchéance de Józef Czapski (Les éditions Noir sur Blanc, 1987, 2011 ; Libretto, 2012).

« Je pensais alors avec émotion à Proust […] qui serait bien étonné et touché peut-être de savoir que vingt ans après sa mort des prisonniers polonais, après une journée entière passée dans la neige et le froid […] écoutaient avec un intérêt intense l’histoire de la duchesse de Guermantes, la mort de Bergotte et tout ce dont je pouvais me souvenir de ce monde de découvertes psychologiques précieuses et de beauté littéraire » : en 1940–1941, les quelques prisonniers du camp de Griazowietz ayant échappé au massacre de Katyń (4000 officiers et membres de l’intelligentsia polonaise exécutés par le NKVD) décident, sans aucun support ni document de référence, en convoquant uniquement leur mémoire, de se donner mutuellement des conférences sur des sujets aussi divers que l’architecture, l’alpinisme ou l’histoire ; le peintre Józef Czapski (1896−1993) choisit de parler de peinture, de littérature française et plus particulièrement de la Recherche, lue bien des années avant, et dont il restitue la magie en faisant d” « une lecture sans livre » (selon la belle formule de Guillaume Perrier) un document exceptionnel, unique et bouleversant… témoignage d’une histoire tragique longtemps falsifiée, récit de Goulag, démonstration de la puissance de la littérature, exercice de mémoire démentiel, Proust contre la déchéance est tout cela à la fois.


1 Comment

Richard LEJEUNE · 10 février 2020 at 20 h 36 min

Mais quelle idée excellente, Monsieur Ragonneau, d’exhumer de là où j’estime qu’il croupit malheureusement depuis 2011 où je l’ai découvert aux éditions « Noir sur blanc », de Lausanne, ce petit ouvrage d’une soixantaine de pages , – ce petit chef d’oeuvre serais-je même tenté d’écrire ! -, relatant cette bouleversante expérience, unique en son genre, menée par Joseph Czapski, en 1941, au camp russe de Griazowietz où il propose, pour survivre, pour  » se sauver » du quotidien, pour échapper à l’inévitable déchéance, des conférences, des lectures, – de chic, j’insiste -, de l’oeuvre de Proust qu’il avait lue bien des années auparavant.
Je fus subjugué, à l’époque quand je lus ce texte … dont je n’ai plus croisé aucune référence jusqu’à vous, aujourd’hui, pour en rappeler l’existence à vos lecteurs.

Je mens par omission : en 2017, je découvris un ouvrage d’études sur Czapski, sur sa vie au camp, sur des extraits de son « Journal » et sur la réception de Proust en Pologne, publié sous la direction de Sabine Mainberger et Neil Stewart, intitulé « À la recherche de la Recherche. Les notes de J. Czapski sur Proust au camp de Griazowietz, 1940–1941 », toujours aux éditions « Noir sur blanc », certes extrêmement intéressant, mais qui n’était pas destiné à m’apporter les mêmes frissons que le petit opus « Proust contre la déchéance » que vous remettez en mémoire aujourd’hui.
Merci à vous.
J’espère que vos lecteurs prendront conscience du cadeau qu’ici et maintenant vous leur faites en évoquant cet exceptionnel bijou.

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