William Friedkin (1935−2023)
William Friedkin, cinéaste mythique du Nouvel Hollywood, metteur en scène d’opéras, était un proustien tardif mais passionné.
William Friedkin est mort à Los Angeles hier, quelques semaines avant de fêter son 88e anniversaire. Est-il besoin de présenter celui qu’on surnommait Wild Bill ou Bill le Dingue à Hollywood ? Le réalisateur sans concessions aimait tourner des scènes en une seule prise, et la plupart de ses comédiens (Willem Dafoe, Michael Shannon ou Gene Hackmann) appréciaient cette spontanéité et cette tension.
J’avais eu la chance de pouvoir l’interviewer au printemps 2020, quelque temps après avoir traduit son bref texte consacré à Proust, Dans les pas de Marcel Proust (éditions La Pionnière, préface de Jérôme Prieur). Mais nous avions évoqué d’autres figures à cette occasion, notamment Max von Sydow que Friedkin considérait comme « le plus grand acteur du monde ».
Né à Chicago (comme Philip Kolb), Friedkin avait lu la Recherche tardivement après son mariage avec Jeanne Moreau, mais sa passion pour ce texte ne s’était jamais démentie, même après sa séparation avec celle qui en avait été la grande initiatrice. De manière amusante, la comédienne française, se sentait prisonnière de son mariage avec Friedkin ; elle aussi avait pris la fuite.
Un ultime film à Venise
Le cinéaste, qui avait arpenté tous les grands lieux proustiens, était de ceux qui pensaient qu’il ne fallait pas chercher à adapter le grand roman au cinéma. Après notre entretien, il avait accepté avec enthousiasme la publication de son témoignage de lecteur proustien dans l’anthologie Proust pour la première fois pour la Société des Amis de Marcel Proust. Retrouve-t-on une quelconque trace de Proust dans les films de Friedkin ? La piste est maigre, mais je vous invite à voir ou à revoir Le Convoi de la Peur, un des films qui comptaient le plus pour lui, et qui n’était pas, comme on le dit trop souvent, un remake du Salaire la Peur de Clouzot, mais une nouvelle adaptation du roman de Georges Arnaud.
Je caressais le secret espoir de pouvoir le rencontrer in the flesh à Venise en septembre, où il devait présenter son ultime film à la Mostra, The Caine Mutiny Court-Martial. Raté. Mais je garde le souvenir d’un homme qui, dès qu’on abordait le sujet de Proust, s’animait et s’enthousiasmait avec la candeur d’un enfant. Un amateur, un vrai.
1 Comment
Ruth Brahmy · 8 août 2023 at 18 h 12 min
Merci de ce bel entretien, qui nous transmet avec force l’amour de Friedkin pour Proust !
J’ai vu par hasard hier soir Killer Joe, film de 2011 de Friedkin : entre Proust et ce film d’une violence rare, c’est vraiment le grand écart ! C’est beau d’ailleurs de contenir l’un et l’autre !