Faisons entrer les frères Proust au Panthéon !
Pourquoi vouloir faire passer Rimbaud et Verlaine du placard au Panthéon, quand on a une solution plus qu’évidente, créative et consensuelle sous la main ? Ma lettre ouverte au Président de la République.
Monsieur le Président, vous avez pris vos responsabilités et vous vous êtes opposé à l’entrée de Rimbaud et Verlaine au Panthéon. Une idée saugrenue (c’est un euphémisme) qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis l’automne 2020. Mais il est d’autres vertus à cette proposition de faire entrer un duo dans le monument de la Montagne Ste-Geneviève.
À Frédéric Martel, Jean-Luc Barré, Françoise Nyssen, Roselyne Bachelot et consorts, je dis ceci : je vois bien un écrivain homosexuel qui mériterait sa place au Panthéon, car il figure déjà au panthéon littéraire, tout comme Rimbaud et Verlaine, sauf qu’à la différence de Rimbaud en particulier, il n’aurait sans doute pas haï cet honneur de la panthéonisation. La monumentalité de Marcel Proust (« le Pont du Gard de la littérature » écrivait Alexandre Vialatte ; « la pyramide proustienne » selon Jean Frémon) en fait un candidat évident ; il était sensible à la reconnaissance officielle, académique : il avait obtenu le prix Goncourt en 1919, la Légion d’honneur en 1920, aurait aimé rentrer à l’Académie, était juré au prix Blumenthal, pour ne citer que quelques exemples.
Quant au frère du précédent comme disait Jean-Bertrand Pontalis, Robert, sa haute stature morale et ses qualités de chirurgien et de gynécologue parlent pour lui. Son pedigree est sans appel : héros de la Première Guerre mondiale, décoré de la Croix de Guerre, officier de la Légion d’honneur. Il dirige l’autochir n°1, opère sous les bombes et défend avec un courage admirable les Provençaux du XVe corps. Accusés de déserter en s’automutilant pour éviter le front, ces hommes échappent au peloton d’exécution grâce à lui et à ses minutieux examens. Verrons-nous jamais un nouveau Stanley Kubrick et un nouveau Kirk Douglas pour tracer des sentiers à la gloire de Robert Proust ?
Par ailleurs Monsieur le Président, et vous êtes encore trop jeune pour penser à cela, tous ceux qui possèdent une prostate lui sont éternellement reconnaissants : avec le franco-cubain Joaquín Maria Albarrán Y Dominguez, il pratique la première ablation de cette glande en 1901. Comme Marcel, les hommes-femmes l’intéressent beaucoup puisqu’il était également un spécialiste des hermaphrodites.
Cependant, il est d’autres raisons pour lesquelles on devrait faire entrer simultanément les frères Proust au Panthéon. Robert a été l’éditeur des posthumes d’À la Recherche du temps perdu, il y travaillait avec Gaston Gallimard, Jacques Rivière, Benjamin Crémieux, Jean Paulhan et quelques autres. Contrairement à ce qu’on peut lire, il connaissait parfaitement le roman de son frère. Il n’est pas douteux que le travail de Robert sur les derniers tomes de la Recherche est celui d’un auteur, quelque discutables que soient ses choix. Pour cette raison comme pour les autres, sa place est naturellement à côté de son frère.
Le compte Twitter @proustpantheon a déjà arrêté une date dans le calendrier : le 18 novembre 2022, centenaire de la mort de Marcel Proust. Maurice Genevoix avait croisé Marcel Proust brièvement. Il ne serait sans doute pas contre des retrouvailles.
J’attends votre invitation et suis à votre disposition pour de plus amples détails.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments les plus respectueux.
Nicolas Ragonneau
6 Comments
Jack Dub · 18 janvier 2021 at 19 h 02 min
Bravooo
Madeleine · 18 janvier 2021 at 22 h 49 min
Il faut vite en parler à Brigitte !
Stephane Bern
MR GEORGES ROUX · 19 janvier 2021 at 16 h 23 min
Et pourquoi pas le papa aussi ? Par temps d’épidémie ce serait tout à fait indiqué… Et la maman, peut-on la laisser à l’écart ? Ce serait perpétuer dans l’éternité la pire soirée de l’enfance de son fils aîné…
Gineste · 23 janvier 2021 at 9 h 05 min
Prostatiques de tous les pays unissez-vous ! Quel impressionnant cortège tenant les cordons ferait votre foule montant la rue Soufflot, que l’administration de l’excellente Anne Hidalgo, dont c’est l’une des généreuses obsessions, aurait pris soin de garnir d’édicules ad hoc !
Michel Roussy · 23 janvier 2021 at 14 h 46 min
Curieusement, mon commentaire a disparu de votre site… Je disais que de déménager la dépouille de Marcel Proust au Panthéon était une très mauvaise idée compte tenu de l’amour qu’il vouait à sa mère. Le séparer de sa maman au Père Lachaise serait son plus grand malheur comme il l’a si bien dit de son vivant en réponse au désormais célèbre questionnaire Proust.
Hélène · 25 janvier 2021 at 16 h 31 min
Laissez-le reposer en paix ! Il est très bien au Père Lachaise plutôt que dans une crypte macabre. J’avoue ne pas comprendre cette manie du Panthéon. Marcel Proust est vivant dans nos mémoires, c’est tout ce qui lui importe.