David Hockney, Narrateur de son environnement

Published by Jean Frémon on

David Hockney « My Parents and Myself » 1976 Oil on canvas with masking tape 72 x 72″ © David Hockney Photo Credit : Richard Schmidt Collection The David Hockney Foundation

Jean Frémon, romancier, essayiste et directeur de la Galerie Lelong, nous fait parvenir ce texte inédit évoquant son voisin en Normandie, le grand peintre britannique David Hockney, dont il est le galeriste, et plus précisément la manière dont l’œuvre de l’artiste dialogue avec celle de Marcel Proust.

Dans un entretien, le peintre David Hockney cite cette remarque de Roger Shattuck que pour le lecteur, la figure de Marcel n’est jamais précise, c’est une sorte de vide autour duquel le monde s’ordonne.

Devant la fenêtre imaginaire avec laquelle la peinture classique découpe une tranche du monde, le spectateur, ce cyclope paralytique, esclave de la perspective monofocale, voit un infini qui le fuit. Un monde où il n’entre pas.

Bien des peintres ont tenté, d’une manière ou d’une autre, de se libérer de la tyrannie de la perspective. David Hockney a souvent privilégié son inversion pure et simple : les parallèles, au lieu de converger vers l’infini, divergent, ce qui a pour effet de propulser le premier plan vers le spectateur et de l’inclure dans la composition.

N’y aurait-il pas une relation entre la manière dont nous figurons l’espace et la manière dont nous nous y comportons ? demande David Hockney.

C’est à cela que je pensais ce matin, seul avec quelques mouettes, sur la plage de Cabourg, face au Grand Hôtel. Je tentais de repérer sur la façade aux volets fermés en ces temps de confinement, la fenêtre de la chambre 414 d’où le narrateur, cette sorte de vide, suivait les évolutions de la petite bande. Le monde s’ouvre, il ne finit pas. Nous sommes dedans, pas devant. Et le présent est gros du passé.

A quelques kilomètres de Cabourg-Balbec, à côté de Cambremer où Madame de Villeparisis prenait le petit train, David Hockney s’est installé depuis quelques mois, avec le projet de peindre l’arrivée du printemps. Il peint ce qui est autour de lui à 360 degrés. Sa peinture a toujours été une sorte d’autobiographie. Narrateur de son environnement, il est devenu lui aussi cette sorte de vide autour duquel le monde s’ordonne.

Quelques semaines avant le confinement, j’étais avec lui à Londres pour le vernissage de son exposition Drawing from life, à la National Portrait Gallery. Une centaine de dessins, des portraits de cinq de ses proches et de lui-même. Celia, Gregory, Maurice, et la mère de l’artiste. On y lisait le passage plus ou moins ravageur du temps sur les chairs. Et l’évolution des sentiments du peintre — narrateur à l’égard de ses amis, amants, amante ? Sa relation privilégiée avec sa mère qui lui servit de modèle quand il illustra la Felicie de Un Cœur simple.

Sans Saint Simon, Proust n’aurait pas été le même écrivain.
Sans Picasso, Hockney ne serait pas le peintre qu’il est.
Sans Proust non plus.

Quelques œuvres de l’exposition Drawing from life


1 Comment

ronsmans · 30 mars 2020 at 15 h 45 min

Une toile des pus intéressantes. On y voit le père assis sur une chaise probablement de jardin
Mains jointes et jambes serrées comme le cul vraisemblablement. Sûr de qui il est. Dans ce qui est pour lui une atmosphère sereine comme « un dimanche à campagne ».
Un regard condescendant pour cette femme qui lui sert d’épouse Condescendant car elle es dans un autre monde, sa lévitation ( sa chaise est à peine visible), à ses yeux de mari en atteste totalement.
Puis il y a ce fils qui n’est pas présent sauf dans un miroir dont il semble se dérober. Il porte cravate et chemise blanche pour rassurer le vieillard pour lequel il a sans doute du respect sans aucune sympathie filiale.
Il est clairement posté dans la miroir sur la côté gauche celui de la mère.
Le miroir repose sur une commode à trois tiroirs et en dessous, une sorte de trumeau où l’on voit une tour penchée ( Pise?) sur le point de perdre définitivement l’équilibre, à tout instant.
La précarité de la conjonction familiale est au bord du gouffre.

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