Selon Henri Michaux
« Être enfermé, Michaux s’en fichait pas mal, du moment qu’il avait un bon stock de mescaline et son médecin personnel à portée » m’écrit crûment le professeur Paul Strocmer en m’envoyant ces deux inédits exceptionnels de l’auteur de La nuit remue. « Et oui » poursuit-il, « deux inédits, mais bien différents : d’abord le Michaux de Plume, très années 30, puis le mystique des années 60 ».
On est mieux chez soi
Un matin, Plume se mit à son balcon pour regarder la rue. ”Tiens, personne”, se dit-il. Les rues elles-mêmes semblaient absentes. ”Evidemment, sans rues…” Puis il voulut sortir de chez lui. En ouvrant la porte, il tomba nez à nez avec un individu d’apparence très officielle. ”On ne sort pas. On ne sort plus. N’approchez pas à moins d’un mètre et lavez-vous les mains. Surtout n’éternuez pas !” Plume allait protester contre cette atteinte évidente à sa liberté nasale, quand il vit, par-dessus l’épaule du mauvais plaisant, des millions d’animalcules tout ronds, couronnés d’une ceinture de lipides, qui le regardaient avides et menaçants, attendant très certainement un faux pas de sa part. ”Mieux vaut ne pas les contrarier”, pensa-t-il, pris d’une soudaine envie de… Et il referma la porte.
Stase contre l’invisible
Dans les fins
Dans les fins
Dans les confins
Dans les confinements infinis de l’instant
J’attends
J’arrête
Je stationne
Je désenvironne
Bouclier contre les innombrables particules hostiles
Enfermé malgré moi
Malgré l’émoi
Proie des devoirs, des lois
Cherchant
Avec mon peu de forces cherchant
À tâtons encore mais cherchant
Immobile
Dilatant les secondes, élargissant le temps
Des milliers de milliards d’anxiétés momentanées se ruant à l’assaut de ma stase parfaite
Engoncé dans l’hygiène infaillible de l’immobilité
À échapper
Au mal couronné qui se répand
Puissance, minuscule ô combien, mais puissance
Réfugiée dans l’infiniment petit
Dans l’ironie philosophique de sa demi-vie parasitaire
Puissante de guetter patiemment la réplication fatale
Le serrement de main de l’homme amicalement empressé
Le postillon de l’homme naïvement avide d’échanger avec ses semblables
L’effusion furtive du père ou de l’amant
Fenêtres ouvertes sur la fièvre et la mort…
Homme, coureur d’inutile, gouvernant mal, dépensant grand, voyant peu et court,
Que feras-tu de tes solitudes ?
2 Comments
Guz · 28 mars 2020 at 6 h 53 min
Un grand Merci au Professeur Paul Strocmer pour toutes ses contributions matinales
🤩
Madame Sans-Gêne · 6 avril 2020 at 18 h 05 min
Cher monsieur Strocmer,
comme disait mon ancêtre Rosalie (ai-je oublié de vous précisez que nous sommes Proute!ologues de mères en filles depuis les Temps Eclairés?):
» La Proute!ologie est un art mineur, pour les cas de force majeure ».
A vous lire, la poésie aussi !
Madame Sans-Gêne